Operation Monika
Après la chute de la France et l’évacuation du Corps Expéditionnaire Britannique (incluant la 10ème Brigade de Cavalerie) à Dunkerque, d’importants dispositifs de l’armée polonaise furent abandonnés et démobilisés dans des camps ou rejoignirent Vichy. Seul le 2ème Régiment de fusiliers (2DSP) remplaçant le 45ème Corps français près de la Ligne Maginot s’enfuit en Suisse et fut interné jusqu’à la fin de la guerre.
Un million et demi de Polonais environ ont émigré en France dans les années 20 et 30 en temps qu’émigrés économiques pour venir travailler dans les mines de charbon du nord de la France. Au printemps 1942, les FFI et les FTP (Francs tireurs partisans) comptaient dans leurs rangs bon nombre de Polonais dont les appartenances politiques étaient de gauche et fragmentés par le dirigeant du S.O.E (Special Operation Executive : Direction des Opérations Spéciales, branche du service secret britannique crée en Juillet 1940 et dissous le 30 Juin 1946.) le Général Gubbins. Cependant, ce groupe fut séduit par les plans stratégiques élaborés en Angleterre par le S.O.E en temps que besoin fondamental d’un front de soutien par les organisations de la Résistance. Les planificateurs militaires demandaient un plus haut degré de contrôle et de cohésion pour être certains qu’une armée secrète puisse être efficace. Le rôle de l’organisation indépendante polonaise PON était de créer la pagaille par le biais d’actions subversives et d’apporter son soutien en vue de l’Invasion de l’Europe (Opération Overlord). Le PON fut constitué majoritairement d’émigrés et fut considéré aux yeux de Churchill comme une opportunité inhabituelle à exploiter.
Le Gouvernement polonais en exil regroupait également subrepticement les restes des unités armées (ce qui avait été les 3ème et 4ème divisions d’infanterie polonaises) pour un contact militaire direct afin de harceler et déstabiliser l’occupation allemande de la France. Le SOE bénéficia du fait de l’action et du dévouement du Général Juliusz Kleeberg d’avoir pu rassembler l’une des plus grandes armées secrètes en France. Cette unité se fit connaître sous le nom de Organisation polonaise de combat pour l’indépendance (POWN) laquelle ensuite fut sous les ordres du Colonel Andrzej Zdrojewski. Le premier rôle de POWN fut de transférer du personnel militaire vers et hors de Grande-Bretagne et de fournir des guides et des messagers pour conduire les services secrets militaires. POWN oeuvrait en dehors du SOE et parachutait assez souvent des agents dans les même théâtres d’opérations totalement inconnu du MOP ainsi que du EU/P (tous deux branches internes du SOE).
MOP : division d’entraînements et d’opérations pour le secteur polonais.
EU/P : service de liaison entre le SOE et le gouvernement polonais en exil.
Le SOE recrutait fortement les expatriés également. Connue sous le nom de Opération « Monika » elle devint la classique victime des politiques et de la guerre tous deux la confondant (Foot, 1984 ; Mark 2000). Monika devint l’un des casse-tête de l’EU/P plus le JOUR-J approchait.
Petit retour en arrière
Au printemps 1941 £ 600000 ont été consenti en temps que prêt au Gouvernement polonais en exil pour un travail subversif effectué par les organisations polonaises de résistance (hormis les USA) et des groupes ciblés en France, au Danemark (nommés INFLEXION-FELICIA) et Amérique du Sud (nommés SAINTLY-SOLIDAD).
Monika et Bardsea venaient d’être confirmées suite à un mémo daté du 27 Juin 1941 (PRO HS4/221/98269) lequel stipulait deux opérations distinctes en France. Initialement nommées « Angelica » et « Adjudicate » elles avaient toutes deux des rôles différents définis selon des chartes afin de s’assurer qu’il n’y aurait que de faibles chevauchements dans les zones d’opérations.
Adjudicate devait se focaliser sur l’avant-guerre et des troupes polonaises démobilisées mais aussi :
- Créer une organisation polonaise pour la distribution de la propagande
- Développer un réseau de communications clandestin
- Développer un programme d’entraînement clandestin pour les Français et les Polonais dans l’art du sabotage « lorsque le moment sera venu »
Adjudicate devait s’occuper de l’Armée polonaise laissée pour compte et d’inclure les activités d’Angelica mais aussi des actes précis de sabotage ainsi que des raids envers les Britanniques (SOE). Adjudicate jouerait également un rôle dans l’évacuation du personnel vers l’Angleterre. Le mémo indique clairement le besoin de coopération entre ces deux pôles d’activités et interdirait formellement d’être impliqué dans tout contact direct avec les Polonais qu’ils fussent dans l’armée polonaise, émigrés ou toutes autres organisations politiques.
La directive précisait que ces activités devaient tenir compte et se servir de la population locale pour éviter toute suspicion ou interférer avec la population française. Les mémos qui suivaient indiquaient que les « règles » d’engagement revêtiraient une haute importance pour toute activité effectuée soit par le SOE ou de leur propre initiative devait à tout prix essayer d’éviter des représailles sur la population civile locale.
Les documents à venir (PRO HS4/221/98269) révéleront le dilemme du SOE. L’exposition et les risques opérationnels furent différents selon les zones françaises occupées ou non. Adjudicate était une contradiction dans la politique opérationnelle d’Angelica et dans le statut légal du personnel de l’armée polonaise après que l’effondrement de la France fut confirmé car les hommes ainsi démobilisés étaient toujours considérés comme prisonniers de guerre. Le briefing des services de renseignements reconnaissait également les factions polonaises et leurs compositions psychologiques différeront entre les émigrés d’avant-guerre et les ex combattants laissés pour compte après la chute de la France. Pour les Allemands, il n’y avait pas de différence entre ces groupes d’émigrés et les traitaient de la même manière. Des mémos internes montraient que diverses factions n’étaient pas d’un grand secours en opérations. Dzierzgowski refusa de rencontrer l’agent LIBRACH à cause d’une incompréhension de différences entre Angelica et Adjudicate car il les croyait superflues. Un mémo ultérieur clarifie qu’Angelica devait encadrer les anciens émigrés installés dans le nord de la France, dans les régions des houillères. Les Cadets polonais ne firent pas partie de la charte Angelica. Cependant, une incompréhension arriva selon l’interprétation des documents. La charte Angelica décrivait les sabotages et raids en direction des Autorités britanniques insinuant un rôle dans le contrôle des opérations futures.
Les mémos montrent clairement que les ambitions personnelles d’individualités clé au sein du MOP (appelé plus tard EU/P), du SOE et du gouvernement polonais en exil provoquaient de grandes frictions dans ces mêmes organisations. L’agent HUBERT fit des allégations envers le rôle et la formation d’Angelica dans un mémo en date du 8 décembre 1941 où le Premier Ministre Mikolajczyk demanda à ce que l’agent d’Adjudicate (non nommé mais sans nul doute LIBRACH) devait être retiré et être envoyé en Afrique du Nord ou en Espagne. La critique de cet agent démontre que la mesure qui a été prise l’a été sur le simple fait d’être décoré pour bravoure alors que celle-ci causa probablement plus de tors à l’organisation elle-même ainsi qu’à la population française locale. Dans un télégramme (non daté) adressé à l’agent BORUTA la situation changeante en France fit repousser les opérations dans lesquelles les officiers du SOE portaient un œil critique envers le rôle et l’attitude du vice Premier Ministre Mikolajczyk. Adjudicate fut considérée comme étant la plus importante des deux opérations alors qu’Angelica fut décrite en temps que « nébuleuse politique de hérisson ».
Alors qu’Adjudicate mettait en valeur son rôle sur le terrain, la friction refit surface dans des secteurs où les deux activités se croisaient. Celles d’Angelica avaient un impacte sur les activités de l’Office Polonais et l’Union des Polonais. L’opération Angelica serait sacrifiée pour sauver Adjudicate car Mikolajczyk protestait envers certaines nominations destinées à diriger l’organisation et détestait fortement le financement du gouvernement britannique qui courait sur une base de 200000 francs mensuels pour une équipe de 87 personnes. Angelica fonctionnait à 500000 francs par mois pour 5000 hommes. On a même dit que Mikolajczyk était diamétralement opposé aux Polonais combattant en France, cependant, ne voyait aucun inconvénient quant à ceux combattant en Russie, en Afrique du Nord ou dans l’Aviation. Les Polonais possédaient leurs propres services secrets et de propagande dirigés par le Ministère de l’Intérieur et connu sous le nom de KOT.
Un mémo en date du 6 Avril 1942 fit état des opinions de l’agent LIBRACH : il suggérait qu’aucun Polonais ne serait impliqué dans des raids ou sabotages jusqu’au moment de l’Invasion de façon à éviter des représailles. Les autres Unités des 1ère et 2nde Divisions représentant 5000 hommes firent savoir à Sikorski leur manière d’avoir été traités en ayant été laissés pour compte pendant l’évacuation. En restant en France leur rôle augmenta et demeura crucial dans la garantie de fierté patriotique polonaise du à l’anéantissement de la politique allemande et aux pertes dans les goulags russes. Le mémo s’achevait en précisant qu’Adjudicate était en péril et au bord d’être « grillée » en raison des indiscrétions de son leader (le Général Baruta). Un agent du nom de Lieutenant Dzierzgowski dirigerait Adjudicate avec des fonds transitant par le SOE avec en promesse plus de largages aériens pour apaiser les critiques mais aussi le Vice Premier Ministre Mikolajczyk.
Ala fin du mois de Mai 1942, des prévisions indiquaient que des postes de radio avaient été largués (6 au total avec au final 1 seul appareil opérationnel dans la région de Toulouse) avec l’agent HUBERT en charge de sécuriser les voies maritimes vers le nord de la France. Au cours de cette mission HUBERT devait également établir un rapport sur la répartition des cellules, fournir des détails sur les voies ferrés, les usines et autres sites stratégiques en vue des sabotages.
Les données ci-dessous indiquent la force potentielle disponible avec l’enrôlement des Polonais.
Polonais émigrés
Départements
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Nombre
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Nord
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90,000
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Pas de Calais
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105,000
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Saone et Loire
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12,000
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Seine
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58,200
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Loire
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9,800
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Calvados
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4,500
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Ardenne
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8,000
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TOTAL
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287,500
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Les Polonais dans d’autres contrées
Département
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Nombre
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Allier
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4,600
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Aube
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4,400
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Aveyron
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3,500
|
Bouches du Rhone
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1,500
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Gard
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3,300
|
Isere
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2,700
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Loire (Inferieure)
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1,350
|
Tarn
|
3,000
|
TOTAL
|
24,350
|
Mikolajczyk fit encore opposition aux plans et exigea que la tête d’Adjudicate soit française avec toutes les recrues transférées vers d’autres taches. Il ne coopérera qu’avec l’Opération Angelica dont les ordres provenaient du Gouvernement polonais. Le Major P.Wilkinson le confirmera dans un mémo interne au SOE et au MOP. Les employés avaient toujours des inquiétudes au sujet de leurs statuts ayant la crainte de faire échouer les organisations et demandaient au Général Kleeberg que tous les officiers cessent leurs activités. L’agent LIBRACH fut également questionné par un rapport du Général Klimecki, ainsi le SOE menaça de mettre sous silence Angelica et d’annuler les 600000£ de crédit destinés pour cette opération. Bien que LIBRACH fit une intéressante contribution au SOE, il fut critiqué pour sa politique intransigeante et dictée plutôt que d’opérer selon la charte d’Angelica. Son origine ethnique fut un problème pour les autorités britanniques car elles pensaient qu’être Polonais Juif pourrait être un problème supplémentaire si il venait à être fait prisonnier. Le SOE cherchait sans cesse la preuve de l’efficacité de l’opération dans la mesure où un contrat (du nom de Savery) au Ministère des Affaires Etrangères fut exigé pour vérification.
L’opération coupa la France Libre en 6 zones, 15 districts et 65 postes ou cellules localisés dans 58 localités. L’organisation comptait 300 hommes sans parler des 1500 à 2000 hommes pouvant être mobilisés. En zone occupée, il y avait une région nord divisée en 5 districts avec des zones autour de Paris, du Calvados et de la Seine et Marne se comportant en zones à part. 10 accompagnateurs et 2 instructeurs apportaient leur aide à ces organisations, entraînement et communication. L’agent LIBRACH était l’organisateur responsable avec l’agent BARUTA (chef de la section polonaise) et LESPARRE (chef de la section française), ceux-ci étaient les contrôleurs de secteur. Les comités de réception pour les parachutages étaient basés à Lyon, Périgueux, Cahors et Clermont-Ferrand. Bien que les cellules étaient disséminées un peu partout en France, il y avait des groupuscules dans la région de Limoges, Toulouse et Lyon. Une unité « Rebecca » était un dispositif de recherches qui venait en aide pour choisir le lieu des zones de parachutage des fournitures.
Des bombardiers de type Hudson larguaient les cargaisons et un rapport confirme qu’un largage effectué le 23 Avril 1942 à Château le Roc près de Périgueux nécessita deux semaines pour collecter puis cacher les fournitures dans les secteurs environnants. Un largage identique dans le même secteur fut perdu en Mai 1942. Bien qu’officiellement voué a la malchance, un rapport établi bien plus tard mit en cause une piètre organisation au sol de la part LIBRACH du au fait qu’une signalisation incorrecte alerta les gendarmes. Différents rapports montrent la difficulté de faire fonctionner séparément des opérations politiques et militaires dans de telles proximités géographiques et culturales. A un moment donné, il y avait tant d’agents sur le terrain que lorsqu’ils se faisaient arrêter, des mémos internes circulaient dans différentes organisations des Gouvernements britannique (SIS et SOE), français et polonais afin de savoir de qui il s’agissait.
Pendant une bonne partie de l’année 1942 le désaccord constant entre les chartes Angelica et Adjudicate se soldait toujours en une partie de ping-pong entre les différents services britanniques et organisations polonaises. Il fut conclut que le rôle de diversion d’Adjudicate pendant l’Invasion porterait le nom de MONIKA. Un mémo du Général Gubbins daté du 29 Juin 1942 réexamina toute la saga et signala qu’Adjudicate fut annulée à cause de la complexité de sa charte et des diverses factions au sein du Gouvernement polonais en exil, le SOE et le Haut Commandement britannique. Pour ceux qui étaient sur le terrain, le danger demeurait. Une lettre envoyée le 7 Juillet 1942 par le Vice Premier Ministre Mikolajczyk faisait état que 7 hommes avaient été arrêtés avec le responsable d’une cellule (Bahyrycz) tentant de s’échapper (son nom fut cité oralement au MOP dirigé par le Major Hazel) et espérait franchir la frontière espagnole. Un jeune saboteur fut recruté pour faire sauter une centrale électrique et il parla de cette opération à sa mère qui en informa la police. Le résultat des arrestations fit que les consignes devinrent plus strictes tant dans la zone Vichy qu’en zone allemande occupée. Les recherches dans le secteur de Pouzol (Puy-de-Dôme) par les gendarmes de Vichy furent concentrées sur les résidents polonais du secteur et les permis de circuler furent annulés afin de réduire leurs activités et déplacements.
ACTIVITES
Equipes
MONIKA
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Activités
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Situation en Août 1942
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1
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Perturber les services publics, les communications et le courant dans les secteurs de Lille, Armentières, Tourcoing, Tournai, Roubaix, Douai et Béthune pendant 72 heures
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Reconnaissance de 12 ponts, 2 centrales électriques et le minage du Canal de la Deûle ainsi que les jonctions ferroviaires avec Lens, Hénin-Liétard et Orchies
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2
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Pour toute la France: action politique, grèves, insurrections locales.
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Auncun rapports
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3
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Sur les côtes du Calvados: Fournir des guides, renseignements locaux et perturber les communications et l’alimentation électrique pendant l’Invasion.
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Auncun rapports
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4
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Perturbations électriques dans 7 secteurs: Vichy, Lyon, St.Etienne, Marseille, Bordeaux, Nord, Pas de Calais, Calvados, ainsi que la frontière entre Vichy et la Zone occupée
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Rapport de position avec le KOT
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Monika continua de fonctionner et son rôle servira de support aux Forces Spéciales (équipes Bardsea) lorsque les derniers préparatifs en vue du Jour-J et de l’Opération Overlord seront déclenchés. Un mémo en date du 19/2/1944 (EUP/PD/5779) confirmait la taille et le succès de la création de Monika. A Lille, il y avait 561 sections de 5 membres dans 131 lieux (représentant 2805 hommes).En Belgique, il y avait 74 sections dans 31 lieux (faisant 370 hommes) et comprenant des groupes isolés pour un total de 3400 hommes. Dans le sud de la France (Vichy) il y avait 293 sections de 11 membres réparties dans 125 localités (3200 hommes). Lorsque les relations politiques entre le Général de Gaulle, le SHAEF et le gouvernement britannique devinrent tendues, le SOE et le SIS durent rappeler à tout le monde que 25% des partisans français étaient composés de Polonais. Lorsque la BBC annonça finalement que l’Invasion et les têtes de pont avaient dépassé le nord de la France, beaucoup de Polonais vinrent rejoindre les rangs de l’armée française afin de continuer le combat.
Cependant, le recrutement « illégal » des Polonais par les Francs Tireurs Partisans et les Partisans français (FTPF) causa d’énormes problèmes aux forces d’Invasion ainsi qu’au SOE. Le POWN et le Major Chalmers Wright (qui avait travaillé sous couvert pour le SOE) menèrent une enquête sur une série d’incidents survenus dans les secteurs de Seclin, Noeux-les-Mines, Lens où les Communistes français avaient établi leur Quartier Général dans un ex blockhaus allemand bien dissimulé. Des tracts de propagande accusèrent le POWN de retenir ses Forces armées, créant ainsi un désaccord entre Français et Polonais cependant unis dans leur lutte contre Hitler. L’exploitation de la force politique eut un certain impact sur les planificateurs militaires du SHAEF, du Ministère des Affaires Etrangères, du SIS et du SOE tandis que les Forces françaises libres installèrent des services administratifs dans des secteurs de la France libérée. Des mémos montrent que les Communistes recrutèrent et aidèrent financièrement leurs recrues selon le degré d’activité basé sur des attaques allant de la Belgique vers la France et la Suisse (à Chandeline, dans le canton du Valais). Stefan Kubacki mena les Polonais à Lille tandis qu’à Liège Gorlicki et Gitlin furent les hommes clé dans le recrutement et l’organisation des activités. Ce qui fit que la révolte communiste s’avéra de courte durée.
L’importance et le succès de Monika peuvent être mesurés selon le contenu du mémo suivant : Le 7 Septembre 1944 le Major Ince reçut au QG des Forces Spéciales un message lui demandant d’envoyer 3000 uniformes à la caserne Bressiere à Paris et 6000 autres à Toulouse et Lyon et 4000 à Douai. Ce fut l’une des plus secrètes armées maintenue sur le terrain pendant la guerre et dont le rôle réel ne fut jamais exploité à sa juste valeur.
L’Invasion de la France en Juin 1944 fut un choc pour les Normands qui virent leurs villes et villages détruits avec du matériel de guerre et des débris répandus tout à travers la région. De leur côté, les troupes allemandes s’étaient raisonnablement bien comportées, ce ne fut pas la même histoire dans d’autres régions. En Bretagne, où les Maquisards oeuvraient avec les SAS français dans l’opération Cooney afin de détruire les réseaux ferroviaires, contrarier l’ennemi ainsi que les approvisionnements, il n’y avait pas une ferme ou un village dont les représailles n’avaient affecté des familles. Aujourd’hui à Saint Marcel, un monument se dresse à l’est de Malestroit pour se souvenir qu’un groupe des Forces Spéciales entraînés et bien équipés résistèrent à 4000 Allemands et Cosaques ukrainiens écumant la région bien loin des zones de combat (Hue et Southby-Tailyour, 2005). Après l’Invasion, beaucoup en France regardèrent les murs des Hôtels de Ville se demandant quand les portraits de Pétain seraient remplacés par ceux du Maréchal Foch, du Général de Gaulle ou encore Stalin (Ambrose, 2002) car maintes unités de Maquisards étaient communistes. La Malice redoutée en compagnie des maîtresses des Allemands et des collaborateurs commencèrent à fuir là où on n’irait pas les arrêter ni les juger (Miller, 1945).
Pour le SOE ainsi que pour le Special Unit 22 la déstabilisation dans le nord de la France et la principale concentration des forces Monika et P.O.W.N devint inquiétante. Dans un rapport en date du 18 Octobre 1944 (PRO/HS4/223485) le prolongement de l’opération Monika et les activités du P.O.W.N y sont révélés.
Alors que l’Opération Bardsea était substantiellement annulée, les actions du P.O.W.N avec et indépendamment des FFI furent un succès avec notamment le sabotage des voies de ravitaillement et perturbant la retraite des Allemands dans le nord de la France et en Belgique et semant la confusion. Trois tanks furent détruits, les trains déraillaient, camions et voiturettes détruits ou capturés. Plusieurs centaines de soldats allemands furent fait prisonniers, les équipements détruits ou redistribués. Huit compagnies indépendantes du P.O.W.N œuvraient dans ce secteur alors qu’au sud de la France seize sections régulières agissaient sur le terrain avec 3200 hommes en arme. A Paris, une unité du P.O.W.N reprit possession de l’Ambassade de Pologne le 21 Août, 5 jours avant la libération tandis que d’autres unités occupaient des barricades dans les banlieues.
Alors que l’armée allemande commençait à s’effondrer, de gros efforts furent effectués par le P.O.W.N dans les départements de la Somme et du Pas-de-Calais afin de localiser les sites V2 et on lui demanda de couper toutes les lignes téléphoniques pour contrarier les opérations. Mais les activités du P.O.W.N, eurent un prix : quelques 200 hommes et femmes furent prisonniers. Celles et ceux qui furent torturés ne trahirent en aucun cas ni ne fournirent de renseignements sur l’Organisation. Dans les combats, 52 hommes furent tués, quelques 100 autres prisonniers ou portés disparus, sans doute abattus après interrogatoire. Les activités d’espionnage permirent de transmettre par courrier à Londres 2100 renseignements tant militaires, politiques ou autres et plus tard des postes récepteurs, toutefois la disponibilité limitée réduisait l’efficacité de leurs opérations. La propagande visant à la fois les troupes d’occupation allemandes ainsi que le Gouvernement de Vichy aida la déstabilisation et la vitesse à laquelle la France s’effondra. Quelques 180000 copies de tracts clandestins furent imprimés et distribués avec d’autres brochures.
Le rôle politique fut fondamental en unissant les émigrés polonais et l’organisation prit également soin des familles des soldats polonais tués ou prisonniers. Georges Bidaut, Président du Comité National de la Résistance et le Général Chaban (représentant le Général Koenig en France) pria le P.O.W.N pour n’être que le seul mouvement étranger en France et en Belgique menant des opérations efficaces dans la France effondrée alors que beaucoup d’organisations françaises se battaient entre-elles pour en assurer le contrôle.
Les conséquences
Un mémo daté du 8 Septembre (MUS/1300/1920) certifia que Monika avait été dissoute et que les Polonais furent invités par le Général Koenig à rejoindre les Forces Françaises Libres du Général de Gaulle et la presse londonienne diffusa la nouvelle. 4 millions de Francs furent envoyés au Colonel Zdrojewski à Paris pour couvrir les frais de dépenses résultant de l’Opération Monika.
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